Interrogations morales sur la création de chimères biologiques

Source: FSSPX Actualités

Deux expériences récentes de fabrication de chimères comportant des cellules humaines posent des questions morales sur la licéité de pareilles tentatives au nom de la « science ».

Qu’est-ce qu’une chimère ?

A se contenter des définitions usuelles du dictionnaire, la chimère semble relever du monde fabuleux : qu’il s’agisse d’un monstre mythologique réunissant plusieurs attributs animaux ou d’animaux sculptés, telles les gargouilles. Le mot peut désigner encore une pensée ou un projet illusoire : nous restons dans le domaine du fantastique.

Il existe toutefois une espèce bien réelle de poisson portant le nom de chimère. Mais ce n’est pas d’ichtyologie dont il est ici question.

Le terme de chimère désigne, en biologie, un organisme comportant deux ou plusieurs génomes, ou types d’ADN. L’individu concerné est donc « composite ». Une partie de ses cellules contient un matériau génétique donné, et l’autre partie en contient un autre.

Cette curiosité était autrefois appelée du nom de « mosaïque » et avait été constatée dans l’espèce humaine. Son origine a été rapportée à la fusion de deux individus initiaux. Autrement dit, c’est le processus inverse de celui qui provoque la constitution des jumeaux, où un individu se dédouble.

Les chimères en biologie expérimentale

Les premières expériences ont eu lieu dans les années 60. Il ne s’agissait au début que de chimères « intraspécifiques » par la fusion d’embryons de souris, de mouton ou de lapin.

Les premières tentatives avec deux espèces différentes furent des échecs. Mais en 1984, des chercheurs britanniques obtinrent des chimères mouton-chèvre. La même année, des chimères poulet-caille furent obtenues en France.

A l’époque, les chercheurs admettaient, tacitement ou non, l’impossibilité morale d’introduire l’homme dans ce genre d’expérience.

Peu à peu, cette barrière morale s’effondra. En 2007, l’autorité britannique de la fertilité humaine donnait son feu vert à la création d’embryons à la fois humains et animaux. En 2016, ce fut au tour des Etats-Unis et en 2019, du Japon. Alors que certains pays interdisaient ce genre de pratique, comme la Belgique par une loi de 2003, et la France en 2011. Mais la révision actuelle de la loi de bioéthique prévoit d’autoriser la création de chimères homme-animal.

Les pays qui autorisent ce genre de pratiques ne permettent qu’un développement limité de l’expérience, habituellement pas plus de 15 jours, après quoi, la chimère doit être détruite.

Les expériences récentes et leur moralité

De plus en plus de laboratoires se livrent à des expériences incluant la formation de chimères. Par exemple, en France, une équipe a récemment contourné l’interdiction actuelle, en utilisant des cellules souches « induites », c’est-à-dire des cellules humaines adultes « reprogrammées » en cellules indifférenciées, à l’image des cellules embryonnaires.

Ces cellules ont été introduites dans des embryons de macaques. Les résultats ont d’ailleurs été décevants pour les chercheurs. Mais une question pressante se pose : qu’en est-il de l’aspect moral de pareils essais ?

Il faut tout d’abord condamner sans réserve toutes les expériences qui usent de cellules embryonnaires, car elles ont toujours été obtenues de manière gravement illicite, par fécondation in vitro. La mise à disposition de ces embryons – qui sont des êtres humains – et des cellules qui en sont tirées, à fin d’expérimentations, est profondément immorale.

Mais qu’en est-il de ces cellules souches « induites » ? La technique de cette « reprogrammation » a valu le prix Nobel de médecine au japonais Shinya Yamanaka en 2012. Il n’y a donc aucune manipulation d’embryons pour leur obtention. Est-il cependant moralement permis de les introduire dans des embryons animaux ?

La réponse pourrait être nuancée selon des critères expérimentaux : combien de cellules, dans un embryon de quel âge, avec tel ou tel développement limité, etc.

Mais la difficulté est d’encadrer ce genre de pratique. Le passé montre que les limitations ne sont pas éternelles, et que les chercheurs obtiennent finalement de les voir repoussées par les décisions politiques.

Il y a donc un danger certain de transgresser des limites qui doivent être tenues pour infranchissables, tel le développement complet de chimères composées d’animal et d’homme. Ce développement serait une profonde déchéance de l’homme réalisée par lui-même, et un mépris de la création divine. Sans compter les dangers, encore inconnus, que ces pratiques pourraient développer.

A l’heure ou certains rêvent de transhumanisme pour voir l’homme dépasser sa condition native, verrons-nous se créer des sortes de sous-humains, mi-homme mi-animal, qui seront exploités de diverses manière par l’humanité comme une forme nouvelle de l’esclavagisme ?

Une sorte de « meilleur des mondes » dans sa version la plus affreuse.